La vie culturelle à toujours été très développée dans la ville de Van Artevelde. Au cours des siècles, de nombreux artistes et écrivains se fixèrent dans cette belle cité. Nous avons choisi d'évoquer le grand écrivain gantois qu'était Jean Ray, l'ange du fantastique.
S'il est surtout connu comme l'Edgar Poe belge, il ne faut pas oublier que cet auteur était aussi un folkloriste renommé, un conteur pour enfant, un chroniqueur, un historien…Bref, un écrivain prolifique dont la production va de l'article alimentaire au roman complet !
Sa jeunesse
Raymond J.M. De Kremer naît à Gand le 8 juillet 1887. Ses parents habitent le Ham, quartier populaire proche du port. Il fait ses études primaires à l'institut Laurent de 1894 à 1899. De 1901 à 1903 il est interne de l'Ecole Moyenne de l'Etat de Pecq, près de Tournai. En 1903, il entame ses études supérieures à l'Athénée Royal de Gand. Il est admis en 1904 à l'Ecole Normale de l'Etat où il reste jusqu'en 1906. Il commence déjà à écrire et se fait connaître modestement dans les cercles estudiantins gantois. Parfaitement bilingue, il produit dans nos deux langues des poèmes, des articles et des contes. Ensuite, de 1909 à 1920, il se consacre à la comédie musicale du 'genre populaire' et produit plusieurs livrets et textes de chansons. Durant cette période, il fait connaissance d'une jeune artiste, Nini Balta, de son vrai nom Virginie Bal qui deviendra sa première femme. En 1910, il entre dans l'Administration à Gand. Le fait qu'il soit le neveu du grand tribun socialiste, Edouard Anseele, l'a certainement aidé dans cette voie. Raymond J.M. poursuit aussi sa carrière de journaliste dans les revues "Ciné", "L'Essor Belge" et dans "Le Journal de Gand". En 1923, paraît la revue "L'Ami du Livre" où il publie de nombreux contes jusqu'en 1925. Il devient également l'ami du grand écrivain français Jules Renard. L'année 1925 voit aussi sortir son premier livre "Les contes du Whisky". Il débute aussi une longue collaboration à "La Revue Belge" sous le pseudonyme de John Flanders. Une période où Jean Ray connaît une certaine notoriété mais des jours noirs arrivent…
Jours sombres
Alors que l'avenir semble prometteur, De Kremer est arrêté à son domicile le 6 mars 1926 pour divers délits financiers et, le 20 janvier 1927, est condamné lourdement à 6 ans et 6 mois de prison. Le substitut du Procureur du Roi dit dans sa plaidoirie : "Le prévenu fait croire à des gogos qu'il exploite des cinémas en Hollande, qu'il est à la tête de factoreries de fourrures en Russie, que ses chalutiers font des pêches miraculeuses dont il fait bénéficier ses amis". La presse dit aussi qu'il est propriétaire d'un navire qui se livre au trafic de whisky avec l'Amérique (C'est l'époque de la Prohibition). Il était donc déjà un grand conteur et semble avoir cédé à l'appât du gain facile, même malhonnête. Sa vie en prison sera sombre. Il est très démoralisé surtout que de nombreux amis l'abandonnent. Quelques-uns lui restent fidèles et le soutiennent dont Pierre Goemare et Maurice Renard. Mais l'influence socialiste de l'oncle Anseele reste puissante et, début 1929, il est libéré anticipativement !
Une nouvelle carrière
C'est à cette époque, pour des raisons alimentaires, qu'il commence à traduire et surtout à réécrire "Les Aventures d'Harry Dickson". En 1931, il rejoint l'équipe de l'Abbaye d'Averbode qui publie, pour les écoles catholiques, des revues et des livres pour jeunes. John Flanders prend alors son essor. Cette même année, les Editions de Belgique publient "La Croisière des Ombres" qui sera un échec. Fait remarquable : en 1934 les revues américaines "Weird Tales" et "Terror Tales" publient quelques nouvelles. Il entre également comme journaliste à "De Dag", quotidien flamand. En 1936, il travaille pour "Bravo", revue pour jeunes où E.P. Jacobs et J. Laudy feront leurs débuts. Il produit toute une série de contes, surtout en néerlandais, qui, traduits, seront publiés plus tard dans "Tintin", "Petits Belges" et "Petit Luron". Les livres se succèdent aussi : "Le Grand Nocturne" (1942), "Les Cercles de l'Epouvante"," Malpertuis", "La Cité de l'Indicible Peur" (1943), "Les Derniers Contes de Canterbury" (1944),
"Mystères et Aventures" (1946), "Le Livre des Fantômes", " La Gerbe Noire", "La Bataille d'Angleterre" (1947)…Ces livres sortent cependant chez de petits éditeurs comme Les Auteurs Associés, Altiora ou Atalante. En 1952, une nouvelle de Jean Ray paraît dans "Mystère-Magazine". Il écrit encore dans de nombreuses revues : "Les Cahiers de la Biloque”, “Golf", etc. Mais malgré cette prolifique production, Jean Ray reste dans l'ombre jusqu'en 1961.
Heure de gloire
Cette année là, Marabout publie un recueil : "Les 25 meilleures histoires noires et fantastiques" qui connaît un immense succès qui incite l'éditeur à continuer la publication de ses œuvres. En 1963, il reçoit le "Prix des bouquinistes" à Paris. Cet ami de Michel de Ghelderode, de Thomas Owen, d'Henri Vernes connaît la gloire au soir de sa vie. Il meurt chez sa fille, à Gand le 19 septembre 1964. De sa jeunesse, il fera une légende qui perdure encore dans certains ouvrages très sérieux. Non, il n'était pas un pirate, ni un bootlegger, ni un aventurier qui a roulé sa bosse dans le monde entier. A-t-il jamais quitté Gand ? Oublions ce "Mythe Jean Ray" dù à son imagination, mais il reste pour la postérité l'un des plus grands écrivains belges.
Sa légende
En fait, Jean Ray est lui même à l'origine da sa propre légende. Il se présentait souvent comme un marin, genre vieux pirate,qui avait navigué sur toutes les mers du monde. D'autres fois, il avait fait la route du rhum à l'époque de la prohibition. Ce point sera d'ailleurs évoqué par la presse à l'occasion de son procès en 1926, jouera en sa défaveur. D'autre part, des écrivains amis vont également contribuer à la légende et surtout Henri Vernes qui établira une biographie fictive dans les premières éditions de Jean Ray chez Marabout. Une anecdote savoureuse : Jean Ray s'étant vanté d'être mêlé à une filière de contrebande avec la Hollande et d'obtenir du whisky écossais à bon compte, un ami lui demande de lui rapporter une bouteille à la prochaine livraison. Notre auteur acquiesce. Quelques temps se passent et notre Jean Ray fournit l'alcool convoité. Et quelle ne fut pas la surprise de son ami en découvrant sous la bouteille l'étiquette d'un magasin local… Good joke ! comme disent les Anglais. En plus divers, écrivains comme Thomas Owen, Jean-Baptiste Baronian et bien sûr Henri Vernes incluront Jean Ray comme personnage dans leurs romans et nouvelles.
Serge ALGOET
Pour les lecteurs qui désirent en savoir plus, il existe une association très active qui se réunit périodiquement à Gand. S'adresser à : "Amicale Jean Ray", Ruitersweg 20, 8520 Kuurne.
E-mail : verbrugghen@telenet.be
Site Internet : Amicale Vriendenkring Jean Ray John Flanders - http://www.jeanray.be/