L’annonce du bannissement de la voiture à moteur thermique voire de l’interdiction de sa vente envahit les médias. Mais les fondements techniques, économiques, sociaux et environnementaux de tels projets sont douteux. Tel est, en résumé, le raisonnement de Philippe Casse (*), historien belge de l’automobile.
Depuis l’invention de l’automobile dans les années 1880, il y a toujours eu un marché pour la voiture électrique. En 1900, la moitié du parc automobile mondial (environ 20.000 unités) était des voitures électriques (VE). A l’époque, le coût du moteur, de la boîte de vitesses et de l’embrayage dépassait nettement celui des éléments moteurs des VE dont la conduite était surtout beaucoup plus simple. La production en grande série de voitures "à pétrole" et leur autonomie sans limite signèrent l’abandon des VE, sauf pour des usages bien spécifiques dont le plus bel exemple est la livraison en porte à porte du lait frais en Grande-Bretagne. La guerre 14-18, la première guerre motorisée de l’Histoire, acheva de ranger les VE quasi aux oubliettes pour un siècle.
Il y a un marché pour les VE et l’usage professionnel urbain. Quant aux hybrides, elles peuvent se révéler indispensables pour pénétrer en ville le jour où l’accès à un véhicule thermique y est interdit. Au bannissement des moteurs thermiques et donc au "règne absolu de la voiture électrique", on serait tenté de répondre par une expression provocante : "la grande illusion". Pourquoi ? Tout simplement parce qu’il est impossible de voir la totalité des automobiles à moteur thermique (p.m. 1,25 milliard d’autos) remplacées par des VE.
C’est impossible techniquement car si l’ensemble du parc belge de voitures automobiles (5.750.000) était électrique, il faudrait augmenter de 30 % la production électrique de notre pays. Ces annonces oublient aussi qu’il n’y a pas encore d’économie circulaire en matière de recyclage des batteries au lithium-ion et que les deux seuls carburants efficaces connus pour les VE à pile à combustible sont l’hydrogène et le méthanol.
Or l’hydrogène exige plus d’énergie pour le produire que celle qu’il est capable de fournir. Il est aussi le seul carburant connu explosif et il est produit principalement par cracking de la molécule du méthane (gaz naturel). Le méthanol entre aussi en concurrence avec les besoins de l’alimentation humaine.
C’est impossible sociologiquement car les 2/3 du parc automobile belge "couchent" sur la voie publique (soit 3.800.000 unités). La moitié des ménages belges ne veut ou ne peut avoir qu’une seule voiture qui doit assurer tous les besoins de la famille. C’est surtout vrai pour les trajets à longue distance à plusieurs avec bagages. Impossible d’imaginer la recharge simultanée de milliers de VE sur la même route des vacances. Bon courage…