L'incontestable victoire de Giorgia Meloni qui fait couler tant d'encre et de salive, est dûe à plusieurs facteurs. Dont bien sûr le rejet de la classe politique qui a conduit le pays dans une impasse sanitaire, sociale et économique dramatique.
Mais il est un élément que l'on essaie de cacher. Fratelli d'Italia que dirige Mme Meloni, a été le seul parti italien à s'opposer, dès le début de la pandémie, à la politique de confinement. On observera que cette sa victoire rappelle celle de Mme Diaz Ayuso aux élections régionales de Madrid (1) où elle avait écrasé tous ses adversaires après avoir, elle aussi, condamné sans appel le confinement. Dès le début, Mme Meloni a souligné que cela n'apporterait rien de positif dans la lutte contre la pandémie et ruinerait l'Italie. Ce qui aujourd'hui est avéré. Avec plus de 177.000 morts du Covid (donc dans le «hit-parade» des pays ayant déploré le plus de victimes, proportionnellement au nombre d’habitants) et une économie en lambeaux, l’Italie paie (comme les autres pays «confineurs» d'ailleurs), la politique de confinement. Et ses citoyens, ruinés par cette dernière, ont voulu en sanctionner les responsables.
Pas d’unanimité sur les sanctions chez les vainqueurs
Mais, maintenant que Giorgia Méloni a gagné les élections, il reste à voir si elle obtiendra, comme elle l'espère, le poste de Première ministre. Ce qui serait logique, puisqu’elle dirige le premier parti du pays. Mais la complexité du système politique italien, reposant sur des coalitions parfois hétéroclites, peut encore réserver des surprises. De plus, il n’est pas secret que le président Matarella qui la déteste, fera tout pour lui barrer la route du Palais Chigi (2). D'autre part, il existe des divergences entre les partis de la coalition que menait Mme Meloni. Si, sur des points comme l'arrêt de l'accueil massif des migrants par l'Italie, la baisse des impôts, la volonté de mener une politique de relance active et certains sujets éthiques, les trois partis de la coalition, à savoir Fratelli d’Italia, la Liga et Forza Italia, sont sur la même ligne, il reste un point de divergence majeur : la position de l’Italie par rapport aux sanctions prises par l’UE contre la Russie.
Forza Italia et surtout la Liga sont favorables à un assouplissement de ces dernières, alors que Giorgia Meloni semble vouloir s'inscrire dans la continuité, dans la soumission aux décisions de Bruxelles et donc à la volonté des Américains. Et, là, elle se trouve coincée. En effet, il y a une contradiction majeure entre sa volonté de réduction de la fiscalité et de relance économique et l'application de sanctions qui nuisent bien plus à l'Union européenne (et donc aussi à l’Italie) qu'à la Russie. Mme Meloni suivra-t-elle ses partenaires ou au contraire ces derniers la feront-ils changer d'avis ? Où, plus probablement, trouveront-ils une solution médiane, un peu comme l’a fait la Hongrie, avec succès d’ailleurs ? Nous ne le saurons que dans les prochains jours ou semaines. C'est-à-dire au moment de l'élaboration du programme du nouveau gouvernement.
La force de Giorgia Meloni est évidemment de disposer d'une large majorité dans les deux chambres. 237 sièges sur 400 à la Chambre et 115 sur 200 au Sénat. Ce qui lui permettrait, le cas échéant, de supporter sans dégâts majeurs, l'une ou l'autre dissidences. Et, à l’intérieur de la coalition, le rapport de force lui est très favorable : 26,2 % des voix pour Fratelli d’Italia, contre 8,8 % pour la Liga et 8,1 % pour Forza Italia.
L’UE en attente
Du côté de l'Union européenne, l’attentisme est de rigueur. Et l’on ne peut que déplorer, comme l’a fait Josep Borrel, haut commissaire européen aux affaires étrangères, sur Euronews, la déclaration intempestive de Mme von der Leyen. En menaçant les électeurs italiens de sanctions s'ils «votaient mal», elle a évidemment obtenu l'effet contraire à celui recherché. Et a choqué l’opinion transalpine. La présidente de la Commission se croit décidément tout permis et semble oublier qu’elle n’a aucune légitimité démocratique et n’est à sa place que parce que les Allemands souhaitaient s'en débarrasser après son passage calamiteux (et entaché de suspicions de marchés publics douteux) au ministère de la Défense de Berlin. Sans oublier ses relations ambiguës avec le patron de Pfizer.
D’autre part, du côté de la Commission, on ne peut que constater que d’élections en élections, les partis eurosceptiques marquent des points: on l’a vu en Suède, en Hongrie et en Pologne. Même si ces deux derniers pays sont très opposés en ce qui concerne le conflit russo-ukrainien. Si demain l’Italie venait renforcer ce groupe de nations, vu son poids, cela pourrait changer les rapports de force en Europe. Mais Bruxelles tient les clés de la manne financière (160 millards €) dont l’Italie a besoin à cause des dépenses irrationnelles de Conte et Draghi. Ce qui va peser dans le débat.
Quoi qu'il en soit, il est assez piquant de voir que ce sont ceux qui ont ruiné l'Italie, ont pris des mesures antidémocratiques et violé la Constitution, qui aujourd'hui crient à la menace sur la démocratie que ferait peser Giorgia Meloni.
Jacques Offergeld
(1) Voir sur le même site «Madrid ou la victoire des anti-confinements» du 11/05/21
(2) Le Palais Chigi est la résidence des premiers ministres italiens