Le personnage d’Emmanuel Macron devrait à la fois intéresser les romanciers et les psychologues. Les romanciers, parce que tant ses vies sentimentale que professionnelle sont susceptibles d’inspirer un nouveau Balzac.
Les psychologues, parce que l’homme dont l’arrogance et la méconnaissance des règles de la politique ont réussi à mettre la France en feu pendant des dizaines de week-ends, est en même temps un personnage hésitant et influençable.
Dans l’affaire de l’aéroport de ND des Landes, ses atermoiements et finalement sa capitulation devant quelques dizaines de braillards ont montré son manque de détermination. Alors qu’il savait très bien que ce projet était nécessaire au développement de la région sud de la Bretagne. Il l’avait d’ailleurs reconnu lui-même durant sa campagne électorale.
Autre erreur : ne pas avoir aboli immédiatement la hausse des carburants. Voulant céder aux infernales sirènes vertes, il avait voulu imposer une taxe environnementale. Inacceptable pour des millions de gens de la France profonde dont la voiture est l’unique moyen de transport possible. Ce fut le début du mouvement des gilets jaunes dont aujourd’hui encore les cicatrices sont encore très visibles. Au sens propre comme au sens figuré, d’ailleurs.
Il y eut ensuite le passage de 90 km/h à 80 km/h sur les routes nationales, autre mesure très impopulaire. Voulue par son premier ministre de l’époque, Edouard Philippe, dont il a réalisé trop tard combien il était de mauvais conseil. Là encore, il dut faire marche arrière, tout en sauvant la face en «refilant la patate chaude» aux conseils départementaux.
Castex marque son territoire
En choisissant Jean Castex comme Premier ministre, Emmanuel Macron croyait ne prendre aucun risque. Il nommait un haut fonctionnaire, réputé plutôt de droite sociale et maire d’une ville de 7000 habitants. De quoi lancer un signal à la France profonde, tout en mettant en place un homme qui ferait exactement ce qu’il voudrait. Il aurait pourtant dû être prudent. Car, avant même d’être nommé Premier ministre, Jean Castex a explicitement marqué son terrain. Comment ? En liant son acceptation du poste, au départ de l’incompétent et sulfureux Christophe Castaner du ministère de l’Intérieur. Et Macron fut bien obligé de lâcher un de ses fidèles de la première heure. Ce faisant, M. Castex lui a par ailleurs rendu service car Castaner à considérablement nui à l’image de son patron. Ses beuveries pendant la crise du gilets jaunes et la manière inutilement brutale dont il l’a gérée aurait depuis longtemps dû lui valoir un billet de sortir. Quant à la nomination d‘une brute comme le préfet Lallemand, c’est une erreur presqu’historique. Surtout si l’on y ajoute les soupçons de manipulation des black blocks. En effet, comment se fait-il que ces derniers aient pu profiter d’une impunité totale face à une police qui matraquait des gens paisibles sur ordre du tandem Castaner-Lallemand ? Sans tomber dans le complotisme mais en ayant une longue connaissance des manipulations politico-policières, on peut imaginer que Castaner et ses sbires aient délibérément laissé faire les black blocks pour détruire l’image des gilets jaunes dans l’opinion publique.
Olivier Veran ? Une erreur de casting qu’il faut cacher
En revanche, Emmanuel Macron a gardé à son poste, l’incompétent ministre de la Santé, Olivier Veran. Qui s’est non seulement distingué par ses prises de position en matière de masques mais a surtout saboté les travaux du professeur Raoult à Marseille. En interdisant l’application de son traitement dès le début de la maladie, il a probablement du sang sur les mains. En effet, pour être efficace le traitement du professeur Raoult doit être appliqué le plus tôt possible après que le malade ait développé le virus. En ne le permettant qu’en phase ultime de la maladie, Olivier Veran a rendu le traitement infiniment moins efficace et donc joué avec la vie de milliers de patients. Sous quelle(s) influence(s) ? Des mandarins de la médecine qui ne supportaient pas qu’un «provincial» (pourtant reconnu internationalement) fasse mieux qu’eux ou sous l‘influence des laboratoires qui voyaient de juteux contrats disparaître au profit d’un médicament extrêmement bon marché ? Le saura-t-on jamais ? Pourquoi Macron l’a-t-il protégé alors qu’il eut dû connaitre le même sort que Castaner ? Tout simplement parce que remercier Veran revenait à reconnaitre une erreur de casting supplémentaire.
Surtout après les révélations de Mme Buzyn au Monde affirmant qu’elle avait averti en temps utile tant Emmanuel Macron qu’Edouard Philippe du péril majeur qui se dessinait. Et que ni l’in ni l’autre n’ont fait quoi que ce soit. Edouard Philippe allant même jusqu’à affirmer que le masque ne servait à rien. Alors que tout le monde savait depuis le début que c’était (et de loin) le meilleur moyen de prévention de développement de l’épidémie.
Inoxydable Bernard Tapie
La nomination d’Eric Dupond-Moretti est une autre preuve de la manière dont Emmanuel Macron est manipulable. Qui lui a conseillé de nommer «Acquitator» au ministère de la Justice ? Bernard Tapie ! Et oui. Car ce dernier sévit toujours dans les coulisses des pouvoirs. Et s’il faut lui rendre deux qualités, ce sont bien celles de la résilience et de la capacité à séduire les hommes les plus intelligents. Grâce à son bagout de camelot, il a successivement réussi à se faire nommer ministre de la Ville par François Mitterrand, pourtant vieux routier de la politique toujours sur ses gardes, et à manipuler Nicolas Sarkozy, qui fit discrètement pression, via Mme Lagarde (d’ailleurs condamnée pour ce fait), pour que l’affaire du Crédit Lyonnais, se clôture en sa faveur. Et maintenant, c’est Emmanuel Macron qui le consulte. On croit rêver. Quel intérêt Tapie avait-il à pousser son ancien avocat ? On ne le sait pas encore. Mais il y en a certainement un.
En effet, on ne peut pas écrire que Dupond-Moretti avait au départ des ambitions politiques. Dans plusieurs interviews, il avait même repoussé cette idée en riant. En 2018, ne déclarait-il à pas Audrey Crespo-Mara sur LCI : «Personne n’aurait l’idée sotte de me demander d’être ministre de la Justice. Je n’en ai pas les compétences» ?
Dupond-Moretti : un Nicolas Hulot bis ?
Quoi qu’il en soit, une question reste posée ; Dupond-Moretti va-t-il entrer dans le rang macronien ou, au contraire, à l’instar de Nicolas Hulot, va-t-il claquer les portes après quelques mois, voyant qu’il ne peut pas effectuer les réformes qu’il souhaiterait.
Va-t-il continuer à vouloir faire rapatrier les djihadistes Français de papier détenus en Syrie, en Irak et au Kurdistan ? Action peu compatible avec la volonté de M. Macron de mieux préserver la sécurité de ses concitoyens. C’est pourtant le cas.
Va-t-il poursuivre ses plaidoyers en faveur de la chasse, quitte à se mettre tous les défenseurs des animaux à dos ?
Un autre élément qui a probablement joué dans la nomination de Dupond-Moretti est sa détestation du Rassemblement National. Dont il n’a pas hésité à demander l’interdiction. Bafouant ainsi le vote de plus d’un tiers des Français. Ce qui permet de se poser des questions sur son sens de la démocratie. Quoi que l’on puisse penser par ailleurs des idées et des compétences de Mme Le Pen.
Toutefois, Emmanuel Macron n’a aucun intérêt à trop affaiblir le RN. Un nouveau duel avec sa présidente étant probablement la posture la plus facile à gérer pour lui dans le cadre d’un second tour de l’élection présidentielle en 2022.
Mais bien des choses peuvent encore arriver d’ici-là. En effet, Emmanuel Macron n’a pas renoncé à son projet de réforme des retraites. Qui est par ailleurs tout à fait justifié. Et là : de deux choses l’une. Soit, il le maintient tel que prévu et l’on va inéluctablement vers une affrontement social dont la France pourrait bien se passer dans la situation économique où elle se trouve. Soit, il la vide de sa substance mais en la maintenant fictivement, de manière à éviter le clash avec les syndicats sans perdre la face. Mais, dans ce cas, il renonce de facto à ses objectifs économiques et sociaux.
Mais, comme il l’a déjà fait en manière de politique monétaire, il pourrait «brûler ce qu’il a adoré» sans état d’âme.
On observera que toute cette affaire des retraites aurait pu être évitée si Emmanuel Macron avait renoncé aux 35 heures qui ruinent l’économie française depuis plus de 20 ans. Mais là, il est vrai qu’il aurait été droit à un affrontement social encore pire qu’avec la question des retraites. Ce n’est pas par hasard si aucun de ces prédécesseurs n’a jamais osé toucher à cette mesure calamiteuse…
Suicide économique ou réflexe de survie ?
Reste le point litigieux : Macron va-t-il vraiment réduire la production d’énergie nucléaire dans son pays ? Lui enlevant son principal atout économique. Ses prédécesseurs l’avaient déjà promis mais s’étaient prudemment abstenus de le faire. En effet, forte de ses capacités de production d’électricité nucléaire et en poursuivant la construction des centrales de nouvelle génération, la France aurait pu se mettre en position de force en Europe. Dans la mesure où ses principaux voisins ont renoncé à la seule énergie stable tant au niveau des approvisionnements, de la production et des prix, ils se sont tiré une balle dans le pied. Et, devant l’augmentation exponentielle de la consommation électrique que génère la digitalisation, ce ne sont pas les farces coûteuses comme l’éolien qui vont fournir le courant nécessaire.
Malheureusement, il a déjà annoncé que, des sommes reçues de l’UE, il va consacrer 30 milliards € à la transition énergétique. Ce qui inquiète évidemment le monde industriel. Et particulièrement les analystes les plus lucides qui, après la crise du coronavirus, ont vu l’impérieuse nécessité de rapatrier toute une série de productions vitales. Et ainsi acquérir une indépendance réelle notamment en matière sanitaire. Ce qui devrait créer des emplois. Mais évidemment encore augmenter la consommation énergétique.
Résister à Erdogan
Reste la politique internationale. S’il est certain qu’Emmanuel Macron va rester sur sa ligne européiste, il semble avoir compris que jouer la carte de l’affrontement avec la Russie n’est pas payant. Ni politiquement, ni économiquement.
Mais le défi le plus immédiat auquel il va être confronté et où les atermoiements ne seront plus de mise, est la manière de faire face aux provocations d’Erdogan. Si la France veut garder une influence en Méditerranée, elle doit mettre fin aux actions belliqueuses de celui qui se voit déjà en nouveau calife. Ce qui implique de soutenir sans réserve la Grèce et Chypre, directement agressées par la Turquie. En envoyant des navires de la Royale dans la région, il a fait un pas dans ce (bon) sens. Mais pourra-t-il aller plus loin, dans la mesure où sa partenaire privilégiée, Mme Merkel, soutient aveuglement le satrape d’Ankara ? Affaire à suivre.
J.O.