Sa couleur d’un bleu saphir «Birman» avec un soupçon de violet en fait une pierre fine de couleur attrayante. Pour beaucoup d’amateurs de pierres précieuses, c’est la plus belle entre toutes mais malheureusement bien plus rare que le diamant.
Comme son nom l’indique la pierre est originaire de Tanzanie. C’est le vice-président de la firme américaine Tiffany à New York, Henry Patt, qui en 1968 l’acheta par hasard à Idar-Oberstein en Allemagne (le plus grand centre de pierres précieuses et de minéraux d’Europe).
Grâce à Tiffany, la pierre a connu un succès fulgurant, une vraie découverte pour la bijouterie. C’est une pierre qui est passée d’un phénomène de mode à un statut de grand classique. Les seuls gisements sont à une quarantaine de kilomètres d’Arusha, près de la Grande vallée du Rift et du National Park Ngorongo sur les flancs du Kilimandjaro. Les pierres sont extraites des roches métamorphiques «gneiss» (qui contiennent du quartz, du mica, des feldspaths plagioclases et parfois du feldspath alcalin).
Manuel de Souza est un lapidaire portugais originaire de Goa (Inde) qui s’installe dans la petite ville d’Arusha en 1967. Il collectionnait des minéraux et principalement des gemmes bleues. Une gemme de cette couleur lui a été vendue par des Massaïs sous le nom de «ciel bleu» (traduction littérale du swahili). D’abord confondue avec de la dumortiérite, puis avec la cordiérite en raison de son dichroïsme, une double couleur visible à l’aide d’un petit appareil nommé dichroscope, la Tanzanite fut simultanément identifiée par le service géologique tanzanien de Dodoma et par l’université de Heidelberg (Allemagne). Devant le succès, une année plus tard, Manuel de Souza abandonna son métier de lapidaire et devient exploitant minier en créant une petite société d’exploitation minière, vite concurrencée par d’autres mineurs.
Une autre version
En 2004, le gemmologue italien, Valerio Zancanella, aurait publié la «vraie» histoire de la Tanzanite. Celui qui l’aurait découverte serait un mineur de gypse, appelé Ndugu Jumanne Ngoma. En chemin pour rendre visite à ses parents, il a trébuché sur des cristaux bleus qui traînaient sur le sol. En quelques heures, il a rassemblé environ cinq kilos de cristaux d’un bleu profond bien formés. Gardant des cristaux pour lui, il a vendu le reste à un négociant de pierres précieuses à Nairobi qui ne savait pas ce que c’était et paya une somme dérisoire pour le lot. Il n’y avait tout simplement pas de marché pour ces pierres inconnues. C’est seulement bien plus tard qu’elles ont été identifiées comme zoïsite.
Environ un an plus tard, Manuel De Souza entre en scène et affirme partout qu’il a découvert la nouvelle gemme. Bien que Ngoma ait introduit des réclamations et pouvait s’avérer être le découvreur légitime de la Tanzanite, ce pourquoi il a reçu un document officiel du gouvernement tanzanien, il est resté un pauvre mineur de gypse tandis que d’autres en ont fait un négoce fructueux.
La Tanzanite appartient à la famille de la zoïsite, découverte par le minéralogiste autrichien von Zoïs en 1805 dans les montagnes de Haute Carinthie, à l’ouest du Tyrol avec au sud la Slovénie et l’Italie.
La Tanzanite est un silicate de calcium et d’aluminium d’une densité de 3,36 à 3,58 et un système cristallin orthorhombique avec une dureté de 7 sur l’échelle de Mohs (aussi dur que le fer). Cette dernière spécification en fait une pierre légèrement plus sensible à l’usure que la topaze (qui s’établi à 8) et le rubis ou le saphir qui sont à 9. Mais elle est insensible aux acides.
Le sertisseur devra pourtant employer son chalumeau avec précaution car tout comme l’émeraude, elle craint une forte chaleur.
La Tanzanite transparente est à l’origine d’une couleur bleu-gris, parfois vert. Suite à un traitement thermique de 400 à 500 C°, elle perd les tonalités gris-verdâtres et se transforme en un bleu violacé qui s’approche de certains des plus beaux saphirs du Ceylan mais aussi des plus limpides. Il existe aussi des Tanzanite «œil-de-chat», provoqués par une multitude de fins canaux blancs perpendiculaires et «étoilés» à 6 branches. La Tanzanite étoilée est parmi les plus rares des pierres étoilées.
Imitations
Comme toutes les pierres précieuses, la Tanzanite est imitée par du verre coloré ou en doublette (pierre collée) de verre ou de spinelle synthétique incolore. Des tourmalines bleues, des zircons bleus sont parfois vendus comme Tanzanite mais leurs couleurs sont bien moins attrayantes.
Heureusement, la Tanzanite n’a jamais été synthétisée avec succès (une synthèse est une version créée en laboratoire, c’est une création artificielle de la pierre naturelle et qui a les mêmes propriétés chimiques et physiques). Une forstérite synthétique a toutefois été produite en Russie et ressemble beaucoup à la Tanzanite. Certains vendeurs sans scrupules l’ont vendue comme Tanzanite. En tant que gemmologue, il est facile d’identifier les falsifications en utilisant plusieurs tests, principalement le réfractomètre. La forstérite synthétique a un indice de réfraction de 1,63-1,67 tandis que la Tanzanite naturelle est de 1,685-1,707.
De même, le filtre Chelsea sépare facilement la forstérite car elle apparaît verte dans le filtre contrairement à la Tanzanite naturelle qui est rose orangée. Cependant, en tant que profane sans outils de gemmologie à disposition, il existe une propriété du synthétique qui la rend identifiable à l’aide d’une simple loupe. La forstérite synthétique a une biréfringence très élevée ; cela signifie que la pierre peut présenter une “double réfraction”. En tant que profane, on peut le voir en regardant les facettes arrière avec une loupe. En regardant à travers la table et en se concentrant sur les facettes du pavillon, elles peuvent apparaître comme si elles étaient doublées, comme pour les zircons. C’est une preuve qu’il s’agit d’une forstérite synthétique car la Tanzanite naturelle n’a pas une biréfringence élevée.
Maquillage
Coating ou enduit ? Comme pour d’autres pierres, on l’enduit d’un colorant : le rondiste ou la culasse. C’est une manipulation très ancienne mais qui s’est améliorée suite à l’évolution technologique. La Tanzanite n’y échappe pas car des vendeurs peu scrupuleux revêtent la Tanzanite de qualité inférieure d’une légère couche de cobalt, ce qui tend à améliorer l’aspect de la couleur. Bien que cette pratique ne soit pas largement utilisée, il est important d’en être conscient.
Acheter de la Tanzanite est une expérience passionnante, car on achète une gemme séduisante et rare. Cependant, il est important d’être informé des pièges qui existent et de pouvoir les contourner en tant qu’acheteur averti. Mais la meilleure garantie reste le bijoutier ayant pignon sur rue et étant membre d’une association professionnelle.
Eddy Vleeschdrager