La turbulence de trop ?

Le sauvetage de Brussels Airlines n’est pas seulement une question de maintien du drapeau belge (bien que très germanisé...) dans les airs, il s’agit surtout d’éviter un bain de sang social supplémentaire. Qui viendrait s’ajouter à ceux générés par le confinement (abusif ?) des dernières semaines.

Les chiffres sont lourds. On annonce un minimum de 1000 emplois supprimés sur 4000. Certes, d’aucuns souligneront que, sur ces 1000 travailleurs, 500 étaient des temporaires. Mais, en dehors de l’aspect humain de la chose, au plan économique et social, cela change rien au fond du problème. Cela fait bel et bien 1000 chômeurs supplémentaires. Pour important, qu’il soit, ce chiffre est très en dessous de la cascade de destructions d'emplois que crée ces licenciements. En effet, la réduction des effectifs à Brussels Airlines vient de la réduction drastiques des activités de la compagnie. Ce qui impacte bien d’autres postes de travail dans d'autres sociétés : notamment dans le handling, le catering mais aussi dans tous les commerces et services de l’aéroport. Car on oublie souvent que Brussels Airlines représente 40% de l’activité de Brussels Airport. Quand on additionne le tout, on arrive à environ 9000 postes de travail.

Comme les gouvernements européens n’ont pas l’air de vouloir enfin rouvrir les frontières, il est clair que ces chiffres ne pourront que croître au fur et à mesure que les blocages seront maintenus.

Restent maintenant à poser la question qui fâche : le gouvernement belge doit-il ou non répondre à la demande de Lufthansa de participer à la recapitalisation de Brussels Airlines. Eu égard au précédent créé par l’arnaque montée en son temps par Swissair à l’encontre de la SABENA que les Helvètes ont littéralement pillée, le premier réflexe est évidemment de répondre négativement. Toutefois, le cas présent ne peut être comparé à ce sinistre précédent. En l’occurrence, le gouvernement allemand semble prêt à recapitaliser sa compagnie aérienne à concurrence de 11 milliards €. Soit par un prêt à long terme, soit par une prise de participation via une augmentation de capital. Il est vrai qu’il y a urgence puisque 60% du personnel de la compagnie allemande est déjà en chômage partiel. Et Lufthansa a fait les mêmes demandes à ses filiales autrichienne et suisse qu’à Brussels Airlines. On est donc devant une demande d’effort global qui concerne l’ensemble du groupe. Le plus gros (et de loin) étant supporté par les Allemands eux-mêmes.

A noter que les précédents ne manquent pas. Au cours des derniers jours, des pays aussi différents que les États-Unis, l’Italie, la Norvège, Dubaï, etc. ont déjà débloqué des milliards $ pour sauver leurs compagnies aériennes respectives.

En conséquence, il ne semble pas abusif de demander au gouvernement belge de consacrer 300 millions € au sauvetage de Brussels Airlines. Et indirectement à Brussels Airport dont l’équilibre financier et d’autres milliers d’emplois dépendent directement de la survie de Brussels Airlines. Il ne s’agit donc pas d’une question de prestige mal placé mais d’éviter un bain de sang social qui, à la sortie, se révélerait de toute façon plus onéreux pour les finances publiques, tout en ayant ruiné des milliers de familles.

J.O

Photos : Marc Smits