Sauf peu probable revirement judiciaire de dernière minute, Joe Biden devrait être le prochain président des États-Unis. Si l’on peut s’attendre à un certain nombre de changements en politique intérieure, probablement beaucoup moins révolutionnaires que certains le croient ou l’espèrent, en politique internationale, il y a peu d’évolutions révolutionnaires à attendre. Sauf peut-être dans les relations avec certains pays d’Amérique latine.
Joe Biden siège au sénat américain depuis plus de 40 ans. Il en connaît parfaitement les arcanes, sait ce qui est possible et ce qui ne l’est pas et surtout connaît toutes les “ficelles” pour obtenir ce que l’on veut sans faire de vagues. De surcroît, si les projections de votes se confirment les Républicains devraient conserver la majorité absolue au Sénat. Ce qui veut dire que, dans une série de domaines, les prérogatives de nouveau président seront limitées.
Au plan humain, c’est un homme dont la capacité de résilience est assez exceptionnelle. Malgré des drames aussi graves que la perte de deux de ses enfants et de sa première épouse, il s’est chaque fois relevé pour aller de l’avant. C’est d’ailleurs ce trait de caractère qui l’a conduit à la Maison blanche après deux tentatives infructueuses lors des élections primaires du parti démocrate.
Quant à la vice-présidente élue, Kamala Harris, elle est très loin du portrait que l‘on en fait habituellement. Alors que l’on insiste sur ses racines noires, on oublie qu’elle est à moitié indienne. Et que sa culture est largement imprégnée d’hindouisme. En effet, elle a été élevée par sa mère, chercheuse de haut niveau, plutôt que par son père d’origine jamaïquaine, professeur d’université mais peu présent. On observera donc qu’il s‘agit d’une personne élevée dans un milieu aisé et intellectuellement développé. L’image de la “pauvre petite métisse” est carrément risible.
De surcroît, quand elle elle était procureure générale de Californie, elle s’est montrée franchement peu favorable au laxisme à l’égard des délinquants. Sa rigueur étant d’ailleurs souvent soulignée par ces derniers.
Le “règne de Calimero”
Cette image complètement fausse de Mme Harris s’inscrit dans le climat actuel du “règne de Calimero”. Qui a été instauré aussi bien par Donald Trump que par ses adversaires. Le président sortant n’arrêtant pas de dénoncer (à juste titre certes) la mauvaise foi des grands médias américains mais en se victimisant un peu trop, tandis que ses adversaires faisaient d’un repris de Justice, tué certes dans des conditions douteuses, un héros national. Et un martyr absolu.
Redonner confiance aux Américains
Le premier défi auquel Joe Biden va être confronté sera probablement de redonner confiance au peuple américain. Ce qui ne se sera pas chose aisée.
Pour ce faire, il va probablement essayer de faire passer son projet d’élargissement de l’Obamacare. Ce qui devrait lui assurer le soutien de l’aile gauche de son parti. Toutefois, pour ce faire, il devra batailler ferme au Sénat. Et l’issue de cette affrontement reste pour l‘instant incertaine.
Retour aux Accords de Paris, mais...
Sans aucun doute, il fera revenir les Etats-Unis dans la Cop 21. Apportant ainsi de l’eau au moulin à ceux qui continuent à ne pas vouloir admettre que la Terre a toujours connu des changements climatiques, qu’elle en connaîtra encore des tas et qu’il à la fois vain et prétentieux de vouloir s’opposer à des cycles naturels multimillénaires. Alors qu’il conviendrait de les accepter et de se préparer, afin de les vivre dans la sérénité.
Fort heureusement, les Accords de Paris ne sont en rien contraignants et le Sénat risque fort de brider le nouveau président. Le développement des éoliennes sera un bon baromètre dans ce domaine. Alors que la plupart des entreprises américaines productrices d’énergie les ont abandonnées depuis quinze ans, parce que non rentables et non fiables, il est peu probable que des investissements publics dans ce secteur soient votés. On peut même se demander si Joe Biden n’en est pas tout à fait conscient mais est parti du vieil adage de Charles Pasqua : ”Les promesses électorales n’engagent que ceux qui y croient”.
L’Axe du monde est dans la Pacifique
En ce qui concerne les relations avec l’Union européenne, elles pourraient peut-être s’améliorer mais ne seront pas une priorité pour Biden. Pas plus qu’elles ne l’étaient pour Trump et Obama. Avec une fatuité et un aveuglement incroyables, les Européens imaginent encore être le premier centre d’intérêt des Etats-Unis, Ce qui est tout simplement faux. Ils ne veulent pas voir que L’AXE DU MONDE A CHANGE. Il ne tourne plus autour de l’Atlantique mais du Pacifique. On peut le déplorer mais il ne sert à rien de se mettre la tête dans le sable : c’est un fait.
Ce qui conduit à évoquer l’attitude du nouveau président à l’égard de la Chine. Là, qu’il le veuille ou non, il ne pourra pas faire comme si la présidence de Trump n’avait pas existé. Il a ouvert les yeux de ses concitoyens sur la nécessité des relocalisations des entreprises et la crise du coronavirus lui a dramatiquement donné raison. En montrant que la dépendance médicamenteuse des Occidentaux à l’égard de l’Asie est tout simplement insupportable. Dans ce contexte, s’il est probable que, dans le vocabulaire et la diplomatie, l’administration Biden pourrait se montrer plus amène que celle de Trump à l’égard de Pékin, sur le fond, elle ne pourra se montrer trop souple, sous peine de se mettre son opinion publique à dos.
Jacques Offergeld